"J'ai un message pour les permanents de la CGT, qui ont scandaleusement empêché la diffusion de 'Ouest-France', qui avait commis un crime : prendre une interview que je leur ai donnée. Voilà la conception de la démocratie par les permanents de la CGT. Honte sur les gens qui se comportent de cette nature. Je leur dis : faut-il que vous ayez peur pour nous empêcher de parler ? Mais vous n'y arriverez pas !"
C'est ainsi que Nicolas Sarkozy a démarré son discours, mardi 27 mars, lors de son meeting à Nantes, pendant lequel il a tenu un discours très à droite. Le président-candidat a accusé le syndicat, qui a appelé à voter contre lui le 13 mars, d'avoir empêché la parution de la version papier du quotidien régional en Loire-Atlantique, le jour où une interview du chef de l'Etat devait être publiée. L'entretien figure d'ailleurs sur le site du journal.
Voir à partir de 1 mn :
Sous les sifflets des militants UMP, fustigeant l'attitude supposée de la CGT, M. Sarkozy s'est appuyé sur cette affirmation pour justifier son intention de recourir au référendum, s'il est réélu, pour contourner les corps intermédiaires. Avant d'accuser la CGT de se livrer à de "la politique politicienne" au lieu "de défendre les intérêts des travailleurs".
M. Sarkozy a réitéré ses accusations à l'encontre du syndicat mercredi 28 mars, lors d'un meeting, à Elancourt (Yvelines), selon des propos rapportés sur son compte Twitter.
Nicolas Sarkozy multiplie les critiques contre la CGT, surtout depuis qu'elle a appelé à voter contre lui.
Lire notre synthèse : La CGT, cible du candidat Sarkozy
"LE BUT N'ÉTAIT PAS DE CENSURER SARKOZY"
L'affirmation présidentielle est pourtant en partie erronée. Le plus grand quotidien de France a bien connu des soucis d'impression et de diffusion ce mardi, mais ces problèmes n'étaient en aucun liés à la publication de l'interview présidentielle.
"Le but n'était pas de censurer Sarkozy mais de défendre des emplois menacés dans la presse", explique Marc Peyrade, secrétaire général de la Fédération CGT des travailleurs des industries du livre, du papier et de la communication (Filpac), interrogé par Le Monde.fr. Avant d'ironiser : "Mais si ça l'a embêté, tant mieux ! Et s'il pense que la CGT est contre sa politique, il a peut-être raison..."
Plusieurs éditions locales de Ouest-France ne sont pas parues à cause d'un mouvement mené au niveau national à la fois par la Filpac-CGT mais aussi par le Syndicat national des journalistes (SNJ), "par solidarité" avec les salariés du pôle de presse normand du Groupe Hersant Média, dont fait partie le journal Paris Normandie, précise M. Peyrade.
Ce dernier remarque d'ailleurs que "contrairement à ce que dit M. Sarkozy, les permanents de la CGT ne sont pas les seuls à mener ce mouvement social". Ce pôle de presse a été placé en redressement judiciaire le 29 février dernier, en attendant la décision du tribunal de commerce du Havre, attendue le 11 avril, qui pourrait déboucher sur un plan social.
Lire : Quatre quotidiens régionaux normands en redressement judiciaire
"UN RETARD DE PRODUCTION À CAUSE DES AG"
"Depuis le 15 mars, la Filpac-CGT et le SNJ sont mobilisés dans plusieurs journaux régionaux pour défendre les 112 emplois en jeu à Paris Normandie", explique Marc Peyrade. Chaque lundi, des assemblées générales sont organisées dans ces quotidiens, qui s'appellent "les lundis de Paris Normandie". Et parfois, des arrêts de travail sont décidés comme ce fut le cas ce mardi (voir un communiqué qui présente l'objectif de ce mouvement, en PDF).
Ce mouvement a donc eu un impact sur la diffusion de Ouest-France, ce mardi, comme sur d'autres journaux de la presse quotidienne régionale, comme Centre presse ou La Voix du Nord. À cause de l'organisation des assemblées générales dans les équipes et d'une heure d'arrêt de travail dans les imprimeries de Rennes et Nantes, lundi soir, pour Ouest-France, "douze éditions seulement sont parues [mardi] à la place des soixante habituelles", indique le site de la la Filpac-CGT, mercredi 28 mars.
En Loire-Atlantique, près de la moitié des lecteurs de Ouest-France n'ont pas pu lire l'interview de M. Sarkozy, soit environ 60 000 personnes sur 120 000.
"À cause des AG, il y a eu un retard de production et donc des éditions locales ont fusionné avec d'autres pour que le journal sorte dans un maximum d'endroits", précise le secrétaire général de la Filpac-CGT.
Un cadre de la direction de Ouest-France a confirmé à Mediapart que le mouvement social n'était pas motivé par la volonté d'empêcher la diffusion de l'entretien de M. Sarkozy, mais bien lié aux difficultés du pôle de presse normand du Groupe Hersant Média.
Détail cocasse : le 20 mars, la diffusion d'un entretien de François Hollande dans Ouest-France avait elle aussi été perturbée pour les mêmes raisons, a appris Le Monde.fr, jeudi 29 mars.
Lire : Sarkozy, la CGT et "Ouest-France" : le précédent Hollande
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu